Avec la toile, de nouveaux outils de e-KM ("electronic Knowledge Management") - permettant de formaliser plus ou moins rigoureusement des connaissances - apparaissent et proposent de nouvelles modalités de diffusion des connaissances profanes. Revue de leurs caractéristiques après un rapide tour historique des progrès humains dans la diffusion des savoirs.
Introduction
Fig. 1 : Métaphore de l'Arbre de la Connaissance |
Formaliser et diffuser la connaissance a toujours été une préoccupation centrale de l'Humanité.
Initialement monopolisée par les sorciers, les mages, les druides, les
marabouts, ... la connaissance se transmit d'abord de manière orale, de
génération en génération, avant une 1ère rupture majeure dans sa
diffusion avec l'invention de l'écriture
par les Egyptiens et les Sumériens vers -3 400 BC. Pour la 1ère fois,
la connaissance pouvait se diffuser en sautant les générations, pourvu
que la génération apprenante accède aux écrits de la génération
diffusante.
Puis en occident vers 1 440, Gutembert - avec l'invention de l'imprimerie
- fut à l'origine de la 2ème rupture dans la diffusion cognitive où la
même connaissance pouvait alors être - simultanément et en parallèle -
assimilée par plusieurs apprenants, sans conflit d'accès séquentiel aux mémoires, grimoires, codex, bibles et autres supports écrits ainsi répliqués ...
Fig. 2 : Internet ouvert en 1993. |
Enfin, en 1993, la 3ème rupture dans la diffusion de la connaissance fut l'invention d'internet où tout écrit, quel qu’en soit le contenu, devient instantanément accessible à tous ... dans les pays démocratiques évidemment.
Si les moyens de diffusion de la connaissance se sont considérablement démocratisés du point de vue de l'apprenant, la confusion et le désordre règnent toujours du point de vue de la production de connaissance et du sachant.
Du savoir académique aux connaissances profanes
Fig. 3 : Le conte du Petit Prince : source d'information et d'imaginaire. |
La connaissance n'est pas une production intellectuelle comme
les autres, production qui peut d'ailleurs être de nature très différente : conte, roman, essai,
opinion, pamphlet, désinformation, poème, programme politique, ...
En fait, la connaissance entretient une relation spéciale à la vérité et sa production n'est pas sans conséquence pour l'Humanité. La connaissance constitue le véritable carburant du progrès humain et s’exerce dans différents compartiments du jeu cognitif. Ces compartiments s'appellent alors sciences et sont nombreuses :
- des sciences exactes (dites aussi "dures" ou "inhumaines" ou "sciences naturelles") caractérisées par le déterminisme, l'étude des systèmes naturels sans l'homme (ex : l'Univers, les barrages, les alliages, les microbes, ...) et un formalisme de modélisation en général à caractère mathématique et logico-déductif (ex : métallurgie, mécanique, thermique, hydraulique, électricité, électronique, chimie, géologie, biologie, médecine, ...),
- aux sciences douces (dites aussi "molles" ou "sciences humaines et sociales") caractérisées par le non-déterminisme, l'étude des systèmes sociétaux incluant l'homme (ex : les tribus, les langages, les entreprises, les sociétés, ...) et un formalisme de modélisation en général à caractère heuristique (ex : ethnologie, linguistique, économie, gestion, sociologie, psychologie, ...) en passant par :
- les sciences de l'artificiel (proposées par Herbert Simon)
caractérisées par un semi-déterminisme, l'étude des systèmes
artificiels (ex : un ouvrage de génie civil, une machine, un programme
informatique) et un formalisme de modélisation mariant en général arts
et sciences (ex : génie civil, design, ingénierie, informatique,
sciences de la conception, ...) complétées
- des méta-sciences (dites aussi "formelles") caractérisées par des connaissances sur les connaissances (ex : logique, mathématiques, philosophie, épistémologie, ...) en évitant de tomber dans
- les sciences occultes
caractérisées par des pseudo-connaissances, en général à caractère
manipulatoire (ex : astrologie, radiesthésie, cartomancie, ...).
Fig. 4 : l'Institut de France à Paris. |
Pendant longtemps, les institutions en charge du savoir et de la connaissance "officiels" ont été les Académies avec notamment - en France - la fondation en 1755 de l'Institut de France
comprenant l'Académie Française, l'Académie des Inscriptions et Belles
Lettres, l'Académie des Sciences, l'Académie des Beaux Arts et
l'Académie des Sciences Morales et Politiques.
Chargées du savoir académique, dans sa formulation canonique, les
Académies se trouvent maintenant en compétition - notamment du fait de
l'avènement d'internet - avec un nouveau savoir émergent, dénommé savoir profane par Martin Lessard qui indique notamment sur son blog :
- "Dans la blogosphère, une certaine connaissance profane se développe parallèlement au savoir académique : si ce dernier n'est pas traduit dans un premier temps sous forme numérique à une adresse web et dans un deuxième temps sous forme de vulgarisation, il y a peu de chance qu'elle se diffuse dans le public ou du moins qu'elle suscite l'intérêt du public. Et la connaissance profane dominera sans partage."
Cette connaissance profane - par opposition au savoir "sacré" des
Académies - peut être proposée par tout un chacun dans la blogosphère au
travers de différents supports modernes de Knowledge Management collaboratif, dénommé ci-après e-KM ("electronic Knowledge Mangement").
Les outils principaux du "e-KM"
Quatre outils principaux de e-KM peuvent - à ce jour - être
identifiés et caractérisés pour la formalisation et la rédaction de
savoirs professionnels profanes :
- le wiki de connaissance,
- le knol de connaissance,
- le blog de connaissance,
- le broker de connaissance.
Fig. 5 : Wikipédia : le plus populaire des wiki. |
Le wiki de connaissance
Outil bien connu depuis 2000 et popularisé par wikipédia, les principaux avantages du wiki de connaissance sont la rédaction :
- décentralisée,
- démocratique,
- anarchique (au sens premier du terme : "l'ordre sans le pouvoir") et
- rapide,
d'informations scientifiques, techniques, professionnelles, culturelles
et/ou historiques ... organisées en proto-connaissances.
Les risques connus du wiki de connaissance sont :
- la difficultés de stabilisation des articles de qualité par manque d'une autorité validatrice,
- la pollution des articles de qualité par des erreurs volontaires ou involontaires des contributeurs,
- le foisonnement en longueur des articles,
- les articles anonymes et orphelins de propriétaires, sans véritable responsable éditorial du contenu.
En entreprise, le wiki de connaissance peut néanmoins être adapté à :
- la construction d'une culture commune centrée sur la vision, le futur où tout le monde doit être impliqué,
- la construction de carnets de bord historiques et temps réel sur des projets en cours, véritables mémoires techniques,
- la construction de cohésion d'équipes sur des sujets sensibles où les opinions de tous sont à égalité,
- la rédaction de réflexions communes sur des projets collaboratifs à livrables ouverts et non déterminés à l'avance.
Exemples de wiki de connaissance :
- http://fr.wikipedia.org : encyclopédie universelle libre,
- http://www.wikiberal.org : encyclopédie spécialisée sur la pensée libérale,
- http://fr.wiktionary.org : dictionnaire collaboratif libre.
Fig. 6 : Google, l'inventeur du knol de connaissance. |
Le knol de connaissance
Outil émergeant de e-KM inventé en 2008 par Google avec la plateforme Knol pour la gestion de "units of knowledge", les avantages principaux du knol de connaissance sont la rédaction :
- centralisée,
- technocratique (au sens premier du terme : "relevant d'un pouvoir porté par les techniciens de disciplines"),
- interactive et
- éditorialement contrôlée,
d'informations professionnelles, scientifiques, organisationnelles, ... organisées en proto-connaissances.
Les risques connus du knol de connaissance sont :
- la lenteur de construction et de rédaction d'un fond de knols de référence,
- les avis divergent de 2 experts ou de 2 technocrates sur un même sujet ayant donné naissance à 2 knols différents.
En entreprise et sur le web, le knol de connaissance est néanmoins adapté notamment à :
- la rédaction de papiers scientifiques de chercheurs à forte personnalité (ex: médecine, mécanique, économie, ...) et à forte opinion,
- la rédaction de notes de synthèse par des experts internes reconnus de l'organisation,
- la rédaction d'opinion personnelle et non-anonyme sur un sujet donné consensuel (ex : la position latérale de sécurité en médecine) et/ou polémique (ex : la réforme des retraites).
Exemples de knols de connaissance :
- Le grand collisionneur de hadrons : knol scientifique sur la physique des particules,
- Évolutions sémantiques de la conception assistée par ordinateur : knol pédagogique sur la CAO,
- La violence perverse dans la sphère privée : knol polémique sur le harcèlement moral.
- Attention, le wiki et le knol ne sont pas concurrents mais complémentaires, comme déjà expliqué sur le knol :
Malheureusement, par manque d'audience, la plateforme Knol a été fermée par Google le 1er mai 2012 alors que son concept central de knol (ie : "knowledge mole") éditable par tout lecteur et modéré à priori par l'auteur relève d'une innovation réelle de l'ensemble des nombreux artefacts du web 2.0.
Le blog de connaissance
Fig. 7 : le Blog de Connaissance, outil émergent de e-KM. |
Outil émergeant de e-KM et de mémoire projet inventé en 2002 par la société Iknova
- véritable outil privilégié des professionnels et des freelances pour exprimer leurs connaissances,
correspondant à un espace de rencontre numérique où les experts métier
partagent leurs connaissances avec le reste du monde - le blog de connaissance
permet à un individu ou à une organisation de publier des connaissances
structurées dans le cadre d'un processus de synthèse cognitive contrôlé
a priori.
Les avantages du blog de connaissance sont la rédaction :
- rapide,
- centralisée,
- pédagogique,
- documentée,
- interactive et
- éditorialement contrôlée
des connaissances métier de compétences professionnelles ... organisées en "cognitons".
Intermédiaire entre le Blog d'entreprise et de Blog pédagogique, le blog de connaissance permet notamment - à une équipe projet et/ou une communauté métier, sous la direction d'un modérateur éditorial - l'élaboration consensuelle des connaissances publiques ou privées d'une compétence métier partagée.
Les risques connus du blog de connaissance sont :
- la lenteur dans la complétude et la cohérence des connaissances d'une compétence métier,
- la haute technicité des contenus qui deviennent alors peu démocratiques.
En entreprise, le blog de connaissance est néanmoins adapté notamment à :
- au recueil des connaissances d'une compétence métier donnée,
- la synthèse des connaissances métier d'un expert en phase de départ à la retraite,
- la formalisation des connaissances techniques des procédures qualité,
- la capitalisation des leçons apprises des processus métier d'une organisation professionnelle.
Exemples de blogs de connaissance :
- http://www.ludonet.fr/wordpress : blog de connaissance informatique,
- http://www.iknova.com/extremegeo.htm : blog de connaissance terminologique de la modélisation géométrique.
Fig. 8 : le Broker de Connaissance pour la diffusion sécurisée des connaissances. |
Le broker de connaissance
Portail sécurisé de e-KM - véritable espace collaboratif de référence
et centralisé - articulé autour d'un bilan de connaissance d'une
organisation, les avantages du broker de connaissance sont la rédaction :
- structurée et planifiée dans le temps,
- logique et rationnelle,
- complète et cohérente,
- collective sous contrôle des experts,
des compétences métier de l'organisation ... organisées en blogs de connaissance.
Les risques connus du broker de connaissance sont :
- la lenteur dans la construction des compétences de référence,
- l'adaptation lente aux changements brusques de métier de l'organisation (ex: BSN-->Danone, transformation du métier de FRANCE Télécom, ...).
En entreprise, le broker de connaissance est néanmoins adapté notamment à :
- l'organisation structurée de la capitalisation des connaissances métier,
- la diffusion sécurisée des connaissances métier,
- l'amélioration progressive des connaissances métier par l'usage et le retour d'expérience.
Exemple de broker de connaissance :
- http://epsapedia.epsa-team.com : broker de l'organisation apprenante EPSA : http://www.epsa-team.com
Fig. 9 : la synthèse des connaissances professionnelles : valeur ajoutée majeure des experts métier. |
Conclusion
Synthétiser et diffuser la connaissance a toujours été une préoccupation majeure de l'Humanité.
En complément aux savoirs académiques institutionnalisés et lents à se diffuser se développent - depuis le début du 21ème siècle et de manière assez rapide - des savoirs profanes sur différents types de supports de e-KM : wiki de connaissance, knol de connaissance, blog de connaissance et broker de connaissance.
Ces nouveaux supports numériques de e-KM du web 2.0 démocratisent la rédaction structurée des connaissances tacites et personnelles des experts métier. Ils permettent notamment aux organisations et aux entreprises de
structurer leurs connaissances de manière rigoureuse et sécurisée si cette synthèse cognitive est abordée avec méthode et systématisme.
Pour en savoir plus
- le broker sécurisé de connaissance KnoVApédia : ouvrir alors un compte avec le menu Connexion,
- le blog Développer la commercialisation de notre matière grise par Ettighoffer Digital Campus.
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